Une semaine de calme…

Chers lecteurs,

Le Polarstern est actuellement en eaux libres au nord de l’île de l’Eléphant. Cette semaine et une partie de la suivante sont consacrées à des traits de plancton destinés à l’étude de la dynamique de population du krill et à la prise d’échantillons d’eau permettant de décrire et suivre les différentes masses d’eau, en particulier l’eau froide profonde issue de la mer de Weddell. Nous en profitons pour peaufiner notre installation, traiter les premières données obtenues et nous consacrer aux « devoirs » que nous avons emportés (écriture et correction d’articles scientifiques, lecture d’articles etc.).

J’en profite pour vous parler d’un outil océanographique très employé: la « rosette CTD ». Il s’agit d’une série de cylindres en PVC, ouverts à leurs deux extrémités, (« bouteilles Niskin » en jargon océanographique) disposés en cercle autour de capteurs. 



Cet ensemble est immergé et les capteurs permettent de suivre, en temps réel, plusieurs paramètres : la salinité mesurée par conductivimétrie (C), la température (T) et la profondeur (« depth » D). Des capteurs additionnels permettent de mesurer la concentration en oxygène et en chlorophylle A (mesure de la quantité d’algues unicellulaires en suspension dans la colonne d’eau) ou la quantité de lumière disponible pour les organismes photosynthétiques. Des signaux électriques peuvent être envoyés et permettent de fermer les bouteilles à la profondeur voulue et d’ainsi obtenir des échantillons d’eau pour d’autres analyses. Le fait que les bouteilles soient ouvertes à leurs deux extrémités assure le libre passage de l’eau de mer tant que la bouteille n’est pas fermée.

Cet outil nous permet de connaître exactement les conditions auxquelles sont soumis les organismes benthiques que nous étudions. J’utilise en outre les échantillons d’eau pour mesurer le pH et l’alcalinité («capacité tampon ») de l’eau dans laquelle baignent les oursins.

Philippe, Bruno, Chantal


Premières impressions…

La Mer de Weddell et les sites Larsen n’ont pas connu de débacle cette année du fait de l’absence de violentes tempêtes qui auraient dispersé la glace, puis de la présence de vents inhabituels qui l’ont compactée à l’est de la Péninsule antarctique . 


Nous ne pourrons donc pas atteindre les sites prévus. Nous nous sommes donc rabattus sur notre « plan B », recentrant la campagne sur deux questions qui contribuent à éclairer l’évolution du fonctionnement des écosystèmes marins sous l’influence du changement climatique :


·    La quantité de nourriture d’origine planctonique atteignant le fond détermine-t-elle la structure et le fonctionnement des communautés benthiques antarctiques (organismes vivant sur le fond) ?

·    La limite entre les communautés antarctiques dominées respectivement par les suspensivores (qui se nourrissent de particules en suspension dans l’eau) et les dépositivores (qui se nourrissent de la matière organique déposée au fond) est-elle liée à la limite entre les masses d’eau issues de la Mer de Weddell et celles du détroit de Bransfield ?


Pour notre groupe de prédilection, les oursins, ceci nous amènera à déterminer les différentes espèces présentes, à étudier leur régime alimentaire et à mesurer leur métabolisme.



Nous avons rejoint le Pacifique par le canal de Magellan, accompagnés par des albatros à sourcils noirs, puis nous nous sommes engagés dans le Passage de Drake en direction de la Péninsule antarctique. La traversée a été sereine, mais parfois un peu agitée et nous y avons rencontré nos premières baleines. Nous sommes depuis deux jours à pied d’œuvre près de l’île Joinville, à l’extrémité nord de la Péninsule. Depuis deux jours, les prélèvements se succèdent. Deux beaux coups de chalut Agassiz nous ont offert nos premiers oursins. Beaucoup d’oursins irréguliers mais aussi les groupes que nous recherchons particulièrement : cidaridés et Sterechinus, l’oursin régulier le plus commun, sur lequel nous allons mener la plupart des analyses. Chantal a isolé les premiers contenus digestifs et Philippe passe ses journées devant son pH mètre pour étudier la physiologie acide-base de ces oursins. Bruno, notre expert en taxinomie du CNRS (Université de Bourgogne), en tandem avec Chantal, assume la délicate détermination de nos prises et prépare des échantillons pour de futures analyses génétiques.


Le bateau traverse de sublimes paysages faits de plaques de glace, et d’icebergs. Les Manchots à jugulaire et Adélie nous observent depuis leurs radeaux glacés et les premiers phoques mettent un peu de vie (assez immobile !) sur la glace.

Philippe, Chantal et Bruno

Expedition ANTXXIX/3

Deux chercheurs du Laboratoire de Biologie Marine de l’Université Libre de Bruxelles, les Profs. Chantal De Ridder et Philippe Dubois ont participé récemment à l’expédition ANT XXIX/3, à bord du brise glace de recherche Polarstern affrété par l’Alfred Wegener Institut (AWI).
La mission était emmenée par le Prof. Julian Gutt, un spécialiste de l’écologie marine Antarctique.
Pour leur première expérience polaire, les deux chercheurs se sont joint à une équipe internationale composée d’une cinquantaine de chercheurs, et sont partis sur le site Larsen dans la partie ouest de la mer de Weddell, dans le cadre d’une expédition qui a duré deux mois. Le site Larsen présente des caractéristiques uniques, et une opportunité de recherche exceptionnelle, suite à la dislocation massive de la calotte glaciaire sous l’effet du réchauffement de cette région. Une video de cette dislocation a été postée par la Nasa:

Leur travail s’est focalisé sur la biodiversité et l’écologie des oursins (échinides), en particulier leur rôle dans la re-colonisation des fonds, et s’est organisée autour de trois axes:
(1) la biodiversité des échinides, en les inventoriant, et en étudiant leur répartition spatiale,
(2) l’étude des processus de colonisation des fonds récemment libérés de l’emprise de la glace, y compris la physiologie de ces organismes, et
(3) l’étude du rôle écologique des ectosymbiontes  (des organismes qui vivent sur les piquants des oursins).
Ce blog reprendra les principaux évènements de l’expédition, et permettra à nos chercheurs de communiquer leurs impressions au fur et à mesure de leur avancement.
Le programme complet de l’expédition est disponible en ligne sur le site de l’AWI…
Vous pouvez aussi suivre la position du Polarstern en temps réel