PROTEKER – Quelques moments de la campagne 2015 par Chantal DE RIDDER

Le navire français Marion Dufresne 2 réalise cinq rotations par an au départ de la Réunion. Ces rotations permettent de ravitailler les bases des Terres australes et antarctique françaises (TAAF) dans l’Océan Indien (dont Crozet, Kerguelen et Amsterdam) et d’en assurer la logistique; elles permettent aussi le transport de personnes (notamment celui des scientifiques). Une rotation dure environ 4 semaines. C’est la rotation OP3 qui nous amène aux Kerguelen. (http://www.taaf.fr)

Trajet d’une rotation passant par Crozet, Kerguelen et Amsterdam (taaf_IPEV_00e46)

Trajet d’une rotation passant par Crozet, Kerguelen et Amsterdam (taaf_IPEV_00e46)

Départ de La Réunion, le 13/11 à bord du Marion Dufresne

Départ de La Réunion, le 13/11 à bord du Marion Dufresne

Sa 14 ; di 15 calme. Encore dans les eaux tropicales ; lu 16 – ma 17- me 18 (de plus en plus frais, on passe la convergence subtropicale ; grosse houle … mais rien d’insupportable… Je m’attendais aux pires tempêtes! Entrée progressive dans les 40èmes rugissants (Les Kerguelen se trouvent à la marge des 50èmes hurlants … des précisions qui laissent rêveur !)

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Me 18/11 : Ile de la Possession (Archipel de Crozet): débarquement en hélicoptère à la base Alfred Faure, on passe la journée sur l’ile, on rejoint Port-Alfred (Baie du Marin, platier du Bollard), pour récolter des patelles (étudiées par E. Poulin, notre collègue chilien). Temps venteux mais soleil magnifique. Curieux, les manchots royaux nous observent de près !

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Crozet: récolte de patelles à marée basse (Photos J. Fournier)

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Crozet: récolte de patelles à marée basse (Photos J. Fournier)

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Crozet: manchots royaux

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Ve 20/11 : On reprend la mer- Cap sur Kerguelen. On ne s’ennuie pas à bord… Samedi 21/11 de 9h30 à 11h exposé par le médecin de bord sur les 1ers soins en cas d’urgence – théorie; à 11h, exposé de notre équipe  sur nos recherches aux Kerguelen; 14h-15h30: 1ers soins – ‘pratique’ (instructif). Dimanche 22/11 : navigation en eaux calmes, acrobaties des albatros (sourcils noirs et grand albatros),  des pétrels et des damiers du Cap autour du bateau.

 

Lu 23/11: Port Christmas – Voici enfin la côte nord de Grande Terre, l’ile principale de l’archipel des Kerguelen. Débarquement en hélico de l’équipe TREKKER, qui va traverser l’ile du nord au sud (elle va rejoindre Port-aux-Français, le 17/12 : http://www.latitudes-nord.fr/carnets-et-photos/trekker-traversee-de-l-ile-de-kerguelen), et 1ère plongée (depuis le zodiac du Marion Dufresne) pour deux membres de notre équipe, Thomas Saucède et Gilles Marty (T° de l’eau: 5°C) – au programme : relevé et remplacement des thermomètres et des placettes de colonisation ; les oursins ne seront pas au rendez-vous. Le bateau poursuit sa route vers le sud en longeant Grande Terre, encore une étape avant Port- aux-Français (PAF).

 

Arrivée à Port Christmas

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Mise à l’eau du zodiac

 

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Retour de plongée

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Ma 24/11: Port Couvreux – Dans la brume se dessine sur la côte ce qui reste d’une ferme construite vers 1912 pour y élever des moutons, une entreprise qui périclitera après plusieurs rebondissements tragiques, les derniers habitants seront évacués en 1931 …

Du matériel est héliporté vers une des cabanes de Grande Terre; une quarantaine de cabanes y sont réparties; elles permettent aux scientifiques de rester plusieurs jours sur le terrain pour y effectuer des observations. Malheureusement pour nous, la plongée à Port Couvreux est annulée en raison des mauvaises conditions météo.

L’hélicoptère en action

L’hélicoptère en action

Port Couvreux

Port Couvreux

Port-aux-Français, Kerguelen, le 25 novembre. Débarquement en hélicoptère, rotations hélico-bateau toutes les 5 min, cela va très vite, à peine le temps de réaliser qu’on est en vol … On atterrit, pas très loin de ‘nos’ premiers éléphants de mer! Transition rapide entre les 10 jours de mer et la terre ferme. Il y a beaucoup de vent et une jolie lumière qui joue avec les couleurs, des éléphants de mer omniprésents et notamment des bonbons (jeunes éléphants de mer dans le jargon local) et… des lapins qui gambadent une peu partout! Paysages à la végétation rase de toundra, où vert, jaune et ocre dominent mais leurs nuances varient sans arrêt avec la lumière changeante.

Les déchargements à partir de Marion Dufresne sont subitement interrompus, en cause, le vent (c’est peu dire, difficile de marcher!). Le chaland (‘L’Aventure II’) revient s’amarrer devant le port et l’hélicoptère retourne sur le pont du Marion. La mer moutonne et les rafales de vent en balaient la surface formant de larges bandes ridées bleues presque noires. Notre matériel est encore à bord. Le vent devrait mollir demain. C’est la météo qui dicte les activités, une règle incontournable ici. Pour patienter, nous avons installé notre labo dans le bâtiment BIOMAR qui héberge tous les scientifiques, et récupéré du matériel laissé par la mission PROTEKER de l’année dernière. La base de Port-aux-Français (PAF) est peuplée d’hivernants, de divers techniciens, de scientifiques de passage, …). La vie à PAF est organisée et confortable, avec ses codes et son langage … abréviations et surnoms avec lesquels il faut se familiariser. Je découvre que je suis une biolo (biologiste), qu’il y a un bib et un bibou (médecin et aide médecin), un pateux (boulanger) et des bouts de bois (menuisiers), que PAF est un village comportant outre les bâtiments de logements (L1, L2,… où les gens sont généralement regroupés par corps de métier), une bibliothèque, un restaurant (Tyker), un bar (Totoche), une salle de projection (cineker), des bâtiments techniques de toutes sortes (BT) notons que parmi ces derniers, il y a kerpou où se fait le tri des ordures (une bonne partie d’entre-elles sont rapatriées)

… Bientôt les premières plongées et les oursins! Affaire à suivre…

Vue aérienne de PAF (photo TAAF)

Vue aérienne de PAF (photo TAAF)

Le bâtiment Biomar

Le bâtiment Biomar

Premières récoltes à marée basse à PAF…

Premières récoltes à marée basse à PAF…

Et nos voisins …

Et nos voisins ...

Premières plongées … Premiers oursins !

A bord du zodiac Commerson (Ile Haute) – Photo J. Fournier

A bord du zodiac Commerson (Ile Haute) - Photo J. Fournier

Relevé des placettes de colonisation- Photo E. Poulin

Relevé des placettes de colonisation- Photo E. Poulin

Ctenocidaris nutrix – Photo E. Poulin

Ctenocidaris nutrix - Photo E. Poulin

Description du projet PROTEKER

http://www.proteker.net/?lang=fr

http://www.proteker.net/-PROTEKER-programme-IPEV-1044-.html?lang=en

L’équipe PROTEKER 2015 à bord du chaland, L’Aventure II De gauche à droite : Gilles MARTY (TAAF), Chantal De Ridder (ULB), Thomas Saucède (uB), Salomé Fabri-Ruiz (uB, ULB) et Jérôme Fournier (CNRS MNHN)

L’équipe PROTEKER 2015 à bord du chaland, L’Aventure II
De gauche à droite : Gilles MARTY (TAAF), Chantal De Ridder (ULB), Thomas Saucède (uB), Salomé Fabri-Ruiz (uB, ULB) et Jérôme Fournier (CNRS MNHN)

 

L’équipe comporte aussi deux autres agents des TAAF indispensables: Romain Vergé, pilote du Commerson et Luc Baudot, son aide efficace !
De gauche à droite : Thomas Saucède (uB), Gilles MARTY (TAAF), Luc Baudot (TAAF), Chantal De Ridder (ULB), Romain Vergé (TAAF), au terme de la mission

L’équipe comporte aussi deux autres agents des TAAF indispensables: Romain Vergé, pilote du Commerson et Luc Baudot, son aide efficace ! De gauche à droite : Thomas Saucède (uB), Gilles MARTY (TAAF), Luc Baudot (TAAF), Chantal De Ridder (ULB), Romain Vergé (TAAF), au terme de la mission

Projet PROTEKER

Le projet PROTEKER est un programme pilote qui a pour objectif de constituer une une ligne de base pour le suivi
et l’évaluation des changements climatiques attendus sur les écosystèmes marins côtiers des Kerguelen. Il doit permettre l’inventaire (observation, échantillonnage, systématique et analyses génétiques) et le suivi (instrumentation, observation, échantillonnage, analyses trophiques et isotopiques) de ces écosystèmes. Il a aussi pour ambition finale de fournir des critères scientifiques pour les politiques de protection et de conservation des environnements côtiers des Kerguelen. La première phase du projet (2011-2014) a permis de réunir toutes les anciennes données disponibles et de sélectionner et instrumenter des stations de référence pour la mise en oeuvre d’une seconde phase plus opérationnelle. Cette seconde phase consiste prioritairement en un suivi (relevé des instruments installés, observations et prélévements associés dans le cas des placettes de colonisation) des sites, en la cartographie des habitats benthiques associés (sonar, ROV et prélévements en plongée) et en un renforcement des mesures d’observations (instrumentation et caractérisations génétiques, trophiques et écologiques de taxons indicateurs). Les résultats attendus doivent permettre de produire des modèles de distribution des habitats et de la biodiversité marine côtière des Kerguelen ainsi que de leur sensibilité aux changements environnementaux attendus (analyses éco-physiologiques – pH, tempérautre – réalisées sur base à BIOMAR).

Back from the Sørfjord

We’re just back from the Sørfjord, Norway, where we collected a series of samples to monitor the contamination status, and to carry out acidification experiments.

Our teams have been working in the Sørfjord since 1995. The fjord is located in South-West Norway and has two ore smelters at its head. The location is an exceptionally contaminated area, where discharges (Cd, Zn, Cu, Hg, Pb) from metallurgical industry have occurred for more than 80 years. During the mission, we collected sediments, starfish and sea urchins at sites close to each smelter (sites Sl and S2), further downstream (site S3) and outside of the contaminated fjord (site S4). We are now processing the samples to determine the levels of metals in various grain-size fractions from the sediments and different body compartments of the echinoderms.

The sea urchin we sampled in the fjord

The sea urchin we sampled in the fjord

In parallel, we have carried out a series of tests with our ROV, to ground-truth its usage in the field for habitat mapping and characterisation of benthic communities. This allows us to be ready for field work in harsh conditions in Antarctica, in the framework of the vERSO project.

A seastar (Asterias rubens), in the typical spawning posiiton, captured on the ROV's screen.

A seastar (Asterias rubens), in the typical spawning posiiton, captured on the ROV’s screen.

We also brought back some organisms to the lab to test the influence of different pH on the loss kinetics of contaminants in starfish and on the acid-base physiology and energetics of sea urchins. Work in progress now…

Gathering the samples by scuba diving

Gathering the samples by scuba diving

Our Diving team: Antonio, Philippe and Bruno

Our Diving team: Antonio, Philippe and Bruno

Untangling the 225m tether before a deep dive wit the ROV

Untangling the 225m tether before a deep dive wit the ROV

Helped by a local, as our van was stuck by the fjord. We paid with Belgian beer.

Helped by a local, as our van was stuck by the fjord. We paid with Belgian beer.

vERSO Team arrives at DDU

The vERSO team has finally arrived at the Dumont D’Urville station (Terre Adélie, Antarctica), after crossing the Southern Ocean onboard the IPEV’s RV Astrolabe. Here are their first impressions (translated from French):

“I’m finally installed at the Dumont d’Urville (DDU) station in Terre Adélie, part of the  “Terres Australes et antarctiques françaises” (TAAFs).

It took me 13 days to get their:  2,5 days in the planes, 4 days waiting in Hobart (Tasmania) awaiting the fixing of the ship’s generator, and 6 days at sea, on one of the most unconfortable ships I’ve ever been onboard, the Astrolabe. Even if the weather was good, the ship would roll, up to 35° on both sides! When you’re in such a roller coaster, the only things you can do is avoid getting sea sick and trying not to bang yourself everywhere… Little sleep, as we are constantly rolling from one side to the other in our berths. On the bright side, beautiful albatrosses are following us along the way.

Once arrived at DDU, the transfer to the station is carried out using helicopters, the sea ice extending up to 28km from the station. The helicopter carry the equipement (up to 1T per rotation). After two days, we were able to gather our personal equipment and part of our research and diving gear.

Firs sounding show that the sea ice thickness in the places where we are planning to dive is around  2 to 3m!

The station is located in a beautiful area, where I meet Adélie penguins, fulmars and snow petrels every day. From my room, I have a view on the continental glacier (l’Astrolabe) and on penguin colonies (noisy and smelly!). The logistics here are impressive, and we received a lot of lab space. We still need to find a solution to bring sea water to the container where we will be running acidification experiments in controlled conditions. Our only fear now is that time is flying by extremely quickly!

Wishing you the best for the end of the year,

Philippe”

 

Détroit de Bransfield (Bransfield Strait)

Nous avons réalisé les derniers traits d’AGT (AGT=Agassiz trawl ou chalut Agassiz) dans le Détroit de Bransfield, à l’ouest de la Péninsule antarctique. Nous y avons comparé trois stations, chacune comportant quatre sites de prélèvement, s’étageant entre 150 (plateaux) et 700 m de profondeur (canyons). Les prélèvements se sont donc succédés à un rythme soutenu ces dernières semaines. 

Trait de chalut dans le Détroit de Bransfield, 250m (Photo Chantal De Ridder, ULB)

De nombreuses espèces d’oursins ont été récoltées dans toutes les stations explorées (ce qui nous a ravi !); certains oursins ont pu être maintenus vivants à bord et observés dans un des laboratoires du bateau. Des échantillons ont été préparés pour des analyses isotopiques, moléculaires et morphométriques qui seront réalisées à Bruxelles et à Dijon (analyses de la composition en isotopes stables, analyses de la microflore bactérienne, analyses des complexes d’espèces). Philippe a parallèlement pu mesurer le métabolisme respiratoire ainsi que le métabolisme acide-base chez des oursins récoltés dans des environnements contrastés, en passant de longues heures dans un des laboratoires réfrigérés du bateau. Nos premières observations indiquent un effet marqué de l’englacement sur la biologie des oursins, et une relative ‘adaptabilité’ dans les différents environnements étudiés. Nous faisons route maintenant vers le Passage de Drake, une région ‘plus océanique’, très peu soumise à l’englacement et où les oursins disposent de ressources trophiques variées et abondantes durant toute l’année. Cette dernière série de prélèvements clôturera notre étude comparative des échinides issus d’environnements soumis à différentes conditions d’englacement.  Le Polarstern quittera l’Antarctique et prendra la direction de Punta Arenas le 14 mars prochain. Le retour est donc en vue. Ces deux mois en mer ont été productifs scientifiquement mais ils nous ont aussi permis de découvrir les abords d’un continent hors du commun. Le brise-glace Polarstern, en navigant ‘sur la banquise’ (‘dans du solide’ !), nous a offert des moments étonnants à la rencontre de paysages magnifiques, déclinant toutes les gammes de blanc. Enfin, un des aspects sympathiques des expéditions en mer est le fait de travailler simultanément avec des chercheurs d’origines très diverses, et de confronter nos idées, nos méthodes, et … nos cultures ! Chantal, Philippe et Bruno

Nouvelles de la Mer de Weddell

Nous naviguons actuellement dans une zone particulièrement englacée de la Mer de Weddell, les vents dominants et les courants rabattant la glace vers les côtes de la Péninsule antarctique. Le Polarstern doit régulièrement se frayer un passage dans la banquise. En eaux plus libres, nous croisons de larges fragments de banquise (glace de mer) et des icebergs imposants (fragments de glaciers largués aux marges du continent Antarctique). Passagers de ces îles flottantes, les phoques et les manchots, nous observent surpris par ce gros brise-glace.

photo: Katrin Wheatley, EG-BAMM

Notre travail consistant à comparer la biologie du benthos de la plateforme continentale dans des zones soumises à des contraintes d’englacement différentes, plusieurs sites de récolte ont été sélectionnés. Chaque site exploré (“core station”) comporte une station profonde (ca. 400 – 500 m de profondeur) et une station peu profonde (ca. 100 m de profondeur), ce qui nous informe sur les fluctuations des communautés benthiques en fonction de la profondeur.

photo: Julian Gutt, AWI

Jusqu’à présent, nous avons exploré une zone s’étendant depuis le nord de l’île de Joinville jusqu’au sud de l’île de Dundee. Les sites échantillonnés indiquent une diversité faunistique fascinante et des communautés d’organismes très distinctes, généralement dominées par des groupes trophiques particuliers. Les échinodermes et plus particulièrement les échinides (oursins) en sont des membres incontournables, ils sont présents dans quasi toutes les communautés examinées! Un de nos objectifs est de cerner leur comportement alimentaire et leur métabolisme dans des conditions de milieu contrastées, et de caractériser leur degré de sensibilité face aux fluctuations des facteurs de milieu. Ces derniers sont examinés par d’autres équipes de biologistes à bord qui étudient les caractéristiques physico-chimiques de l’eau de fond (T°, salinité, teneur en oxygène, concentration en chlorophylle a) et celles des sédiments (granulométrie, matière organique, concentration en chlorophylle a). La mission étant multidisciplinaire, biologistes et océanographes se côtoient, ce qui est particulièrement stimulant. En pistant les masses d’eau pour caractériser leurs mouvements, les océanographes apportent un supplément d’information sur les courants qui circulent dans nos sites d’échantillonnage.

photo: Armin Rose, DZMB

Actuellement, l’équipe d’océanographes et celle qui étudie les populations de krill réalisent un dernier transect en Mer de Weddell. Ensuite, si les conditions d’englacement le permettent, nous nous dirigerons plus au sud, au voisinage de Larsen A, pour y réaliser une dernière série de prélvements dans une zone fort soumise à l’englacement avant de quitter la Mer de Weddell pour le détroit de Bransfield, où la formation de glace est plus saisonnière.

Chantal, Philippe et Bruno

Une semaine de calme…

Chers lecteurs,

Le Polarstern est actuellement en eaux libres au nord de l’île de l’Eléphant. Cette semaine et une partie de la suivante sont consacrées à des traits de plancton destinés à l’étude de la dynamique de population du krill et à la prise d’échantillons d’eau permettant de décrire et suivre les différentes masses d’eau, en particulier l’eau froide profonde issue de la mer de Weddell. Nous en profitons pour peaufiner notre installation, traiter les premières données obtenues et nous consacrer aux « devoirs » que nous avons emportés (écriture et correction d’articles scientifiques, lecture d’articles etc.).

J’en profite pour vous parler d’un outil océanographique très employé: la « rosette CTD ». Il s’agit d’une série de cylindres en PVC, ouverts à leurs deux extrémités, (« bouteilles Niskin » en jargon océanographique) disposés en cercle autour de capteurs. 



Cet ensemble est immergé et les capteurs permettent de suivre, en temps réel, plusieurs paramètres : la salinité mesurée par conductivimétrie (C), la température (T) et la profondeur (« depth » D). Des capteurs additionnels permettent de mesurer la concentration en oxygène et en chlorophylle A (mesure de la quantité d’algues unicellulaires en suspension dans la colonne d’eau) ou la quantité de lumière disponible pour les organismes photosynthétiques. Des signaux électriques peuvent être envoyés et permettent de fermer les bouteilles à la profondeur voulue et d’ainsi obtenir des échantillons d’eau pour d’autres analyses. Le fait que les bouteilles soient ouvertes à leurs deux extrémités assure le libre passage de l’eau de mer tant que la bouteille n’est pas fermée.

Cet outil nous permet de connaître exactement les conditions auxquelles sont soumis les organismes benthiques que nous étudions. J’utilise en outre les échantillons d’eau pour mesurer le pH et l’alcalinité («capacité tampon ») de l’eau dans laquelle baignent les oursins.

Philippe, Bruno, Chantal


Premières impressions…

La Mer de Weddell et les sites Larsen n’ont pas connu de débacle cette année du fait de l’absence de violentes tempêtes qui auraient dispersé la glace, puis de la présence de vents inhabituels qui l’ont compactée à l’est de la Péninsule antarctique . 


Nous ne pourrons donc pas atteindre les sites prévus. Nous nous sommes donc rabattus sur notre « plan B », recentrant la campagne sur deux questions qui contribuent à éclairer l’évolution du fonctionnement des écosystèmes marins sous l’influence du changement climatique :


·    La quantité de nourriture d’origine planctonique atteignant le fond détermine-t-elle la structure et le fonctionnement des communautés benthiques antarctiques (organismes vivant sur le fond) ?

·    La limite entre les communautés antarctiques dominées respectivement par les suspensivores (qui se nourrissent de particules en suspension dans l’eau) et les dépositivores (qui se nourrissent de la matière organique déposée au fond) est-elle liée à la limite entre les masses d’eau issues de la Mer de Weddell et celles du détroit de Bransfield ?


Pour notre groupe de prédilection, les oursins, ceci nous amènera à déterminer les différentes espèces présentes, à étudier leur régime alimentaire et à mesurer leur métabolisme.



Nous avons rejoint le Pacifique par le canal de Magellan, accompagnés par des albatros à sourcils noirs, puis nous nous sommes engagés dans le Passage de Drake en direction de la Péninsule antarctique. La traversée a été sereine, mais parfois un peu agitée et nous y avons rencontré nos premières baleines. Nous sommes depuis deux jours à pied d’œuvre près de l’île Joinville, à l’extrémité nord de la Péninsule. Depuis deux jours, les prélèvements se succèdent. Deux beaux coups de chalut Agassiz nous ont offert nos premiers oursins. Beaucoup d’oursins irréguliers mais aussi les groupes que nous recherchons particulièrement : cidaridés et Sterechinus, l’oursin régulier le plus commun, sur lequel nous allons mener la plupart des analyses. Chantal a isolé les premiers contenus digestifs et Philippe passe ses journées devant son pH mètre pour étudier la physiologie acide-base de ces oursins. Bruno, notre expert en taxinomie du CNRS (Université de Bourgogne), en tandem avec Chantal, assume la délicate détermination de nos prises et prépare des échantillons pour de futures analyses génétiques.


Le bateau traverse de sublimes paysages faits de plaques de glace, et d’icebergs. Les Manchots à jugulaire et Adélie nous observent depuis leurs radeaux glacés et les premiers phoques mettent un peu de vie (assez immobile !) sur la glace.

Philippe, Chantal et Bruno

Expedition ANTXXIX/3

Deux chercheurs du Laboratoire de Biologie Marine de l’Université Libre de Bruxelles, les Profs. Chantal De Ridder et Philippe Dubois ont participé récemment à l’expédition ANT XXIX/3, à bord du brise glace de recherche Polarstern affrété par l’Alfred Wegener Institut (AWI).
La mission était emmenée par le Prof. Julian Gutt, un spécialiste de l’écologie marine Antarctique.
Pour leur première expérience polaire, les deux chercheurs se sont joint à une équipe internationale composée d’une cinquantaine de chercheurs, et sont partis sur le site Larsen dans la partie ouest de la mer de Weddell, dans le cadre d’une expédition qui a duré deux mois. Le site Larsen présente des caractéristiques uniques, et une opportunité de recherche exceptionnelle, suite à la dislocation massive de la calotte glaciaire sous l’effet du réchauffement de cette région. Une video de cette dislocation a été postée par la Nasa:

Leur travail s’est focalisé sur la biodiversité et l’écologie des oursins (échinides), en particulier leur rôle dans la re-colonisation des fonds, et s’est organisée autour de trois axes:
(1) la biodiversité des échinides, en les inventoriant, et en étudiant leur répartition spatiale,
(2) l’étude des processus de colonisation des fonds récemment libérés de l’emprise de la glace, y compris la physiologie de ces organismes, et
(3) l’étude du rôle écologique des ectosymbiontes  (des organismes qui vivent sur les piquants des oursins).
Ce blog reprendra les principaux évènements de l’expédition, et permettra à nos chercheurs de communiquer leurs impressions au fur et à mesure de leur avancement.
Le programme complet de l’expédition est disponible en ligne sur le site de l’AWI…
Vous pouvez aussi suivre la position du Polarstern en temps réel